La Foi ouvrière à l'épreuve de la crise (1).

Retraite ACO du 16 et 17 octobre 2009.

 

La Foi ouvrière à l'épreuve de la crise (1).

 

Une quarantaine de jeunes militants (es), de 25 à 75 ans, réunis au foyer de la commune de Latrape (31) partagèrent sur deux jours leurs visions de la crise (ou des crises) au travers de leur vie d'engagements, de la Bible et fait innovant de la dernière encyclique sociale rédigée sous la tutelle de Benoit XVI « L'Amour dans la Vérité ». Deux temps forts éclairent cette rencontre. Premièrement, les temps en carrefours sur la crise vécue depuis différents lieux de vie avec un partage en commun de ces travaux. Deuxièmement, dimanche, la lecture dynamique par le père Michel Dagras, des expressions fortes issues des militants (es) au travers du dernier enseignement social pontifical.

 

 

Perceptions de la crise ou comment la vivons-nous ?

 

La mise en place de six carrefours permit de toucher du doigt la perception de la crise aux regards de différents angles et à partir de questions à la fois simples mais compliquées de comment vivons nous la  crise dans : le quartier, la famille, le travail, le (s) engagement(s), l'Eglise et comment on arrive à cette folie de croire ?

 

Le quartier : le constat est là. Les associations, les comités pour les sans-papiers reçoivent de plus en plus de demandes d'aides. Il existe encore la possibilité au sein de ces structures de prendre le temps de l'écoute et parfois de l'orientation des personnes vers les services adéquats. Néanmoins, les situations se compliquent avec la rareté du travail.

Ainsi, certains jeunes s'engagent dans la spirale des bêtises. Cela se traduit initialement par un manque d'attention aux autres puis par de véritables agressions verbales et parfois physiques.

Le symbole de cette détérioration des relations interpersonnelles se porte sur les personnes âgées. Ces dernières subissent au quotidien un manque de respect. Elles réagissent différemment entre répliques dignes et renfermement sur soi.

Devant ces détériorations de vie au quotidien des « agir » individuels et / ou collectifs voient le jour. Ainsi, une militante dit faire beaucoup plus attention à la vie de ses voisins et à son environnement immédiat. D'autres n'attendent pas non plus rester les bras croisés.

Elles et ils soulignent la création d'associations voire de collectifs qui entendent lutter contre l'agressivité.

A propos du comment ils arrivent à cette folie de croire, les avis sont partagés.

Tout geste aussi petit qu'il soit en direction de quelqu'un reste un signe d'espoir. Il demeure important de transmettre ces valeurs de la Foi. La prière est très importante mais parfois, à cause de la fatigue ou de manque de temps, il n'est pas possible de la réaliser. Souvent, témoigne une militante : «  je fais uniquement le signe de croix pour dire : je crois ».

 

La famille : l'angle d'attaque se porte d'abord sur les personnes âgées. La vision se veut inquiétante. Elles se confrontent, au contraire des idées reçues, de plus en plus à des problèmes financiers.

Les personnels soignants souffrent aussi parfois d'un manque de reconnaissance mais surtout de voir ces personnes plongées parfois dans la solitude.

C'est une génération qui fait face également à la paupérisation de leurs jeunes. Elle voit ses petits enfants dans la galère du quotidien quand ce ne sont pas ses propres enfants.

Ce chômage qui déstructure l'Homme et sa famille, l'alcool, la violence deviennent des fuites en avant qui détruisent les femmes, les hommes et des familles entières.

Dans les gestes d'espérance, il est à noter le souci individuel ou collectif d'aller à la rencontre du troisième et du quatrième âge afin de leur rendre la dignité par la parole.

D'autres entendent par des collectifs de lutte redonner vie à l'espoir à un moment où le manque de perspective politique devient inquiétant et de s'interroger: « sur les autres formes d'actions possibles que celle classique ( et coûteuse) de la grève ».

Quant à cette folie de croire elle s'exprime concrètement par des « plans » de solidarité entre amis, camarades et membres de la famille mais aussi en terme de pilier ou de soutien spirituel: « Quand nous sommes en bas de la pente, la Foi nous aide à rester digne ».

 

Le travail (carrefour 1) : le panel de militants (es) de ce premier carrefour se veut précis. Trois sont salariés (es) dans des associations, deux travaillent en entreprises, un est défenseur des travailleurs aux prud'hommes, un autre artisan et le dernier fonctionnaire.

Le regard se porte en premier sur la situation des femmes. Ces dernières se trouvent souvent seules en situation précaire avec un travail à temps partiel imposé et des problèmes de logement et de déplacement qui deviennent vite intenables.

Les prud'hommes rencontrent souvent des situations de « stress » qui se traduisent en pratique par du harcèlement moral voire sexuel.

Le constat tend vers une dégradation des rapports humains au travail et l'absence grandissante de syndicats dans les entreprises.

La crise se traduit différemment selon que l'on soit puissant ou humble y compris pour les entreprises.

En effet ce sont les entreprises sous-traitantes et par rebond leurs salariés (es) qui de facto paient la crise en réduisant au maximum, sous la pression des grosses firmes, leurs coûts. Ces firmes continuent ainsi à enrichir leurs « actionnaires » au détriment de l'humain. Ce contexte possède des implications directes sur les artisans. Ces derniers voient leurs clientèles ordinaire de plus en plus diminuer au profit de plus en plus de sous-traitances.

L'espérance rejoint dans ce carrefour la folie de croire. « La force de croire se sont les autres » tel semble le leitmotiv de ces croyants. Pour preuves, des jeunes arrivent et s'engagent au(x) syndicat(s). D'autres montrent leur volonté de s'investir dans différentes structures afin de ne pas subir cette société. Reste une espérance : «  il existe encore un regard humain sur ceux qui souffrent »

 

Le travail (carrefour 2) : La notion de souffrance revient régulièrement. Elle se cache sous diverses appellations d'origines peu contrôlées. Il y va ainsi, sous une phonétique barbare, du « process quality ».

Ce processus met uniquement en place des indicateurs de rentabilité sans tenir compte des indicateurs humains. Il asservit les salariés(es).

Sous d'autres appellations, il revient à augmenter de plus en plus la charge de travail.

Les impacts de ce type de « management » se font sentir au plan humain et deviennent contre productif. Les salariés n'arrivent plus à faire face . Nombre d'entre eux tombent en arrêt maladie et expriment leur refus de revenir à leur poste.

Des entreprises comme Airbus sont également touchées. Des salariés se disent en souffrance. Une démarche d'écoute se met en place au sein des syndicats. Elle s'ouvre depuis peu aux travailleurs sous-traitant d'Airbus. Les uns et les autres « viennent parler de leurs difficultés au travail ».

Sur le fond, des blocages se font jour. Ainsi, une réelle incompréhension existe sur la logique des politiques menées tant par les employeurs que par le pouvoir en place.

A cette situation, s'ajoute la difficulté de trouver le même langage entre syndicats européens. Cette souffrance se transpose dans la vie quotidienne et familiale. Une croyante, assistante maternelle, le souligne «  avec les enfants cela se passe bien. Nous percevons parfois un indicateur de stress venant des parents à cause de leur boulot. Certains en arrivent parfois à des violences verbales à notre encontre .»

Dans ce monde, il existerait encore des raisons d'espérer et de croire. Les assistantes maternelle d'une crèche signent une pétition pour augmenter l'indemnité repas. Un voisin peu engagé, salarié à France Télécom, vient de participer à une grève contre la politique de gestion du personnel qui à conduit des travailleurs (ses) au suicide. Enfin, des pistes de solidarités émergent. Un signe, s'il en est, de l'existence de cette folie de croire.

 

L'engagement : les témoins de se carrefour indiquent à leur façon leur perception de vivre la crise. Les actions France-Télécom achetées par les salariés ont perdu 90% de leur valeurs. Les 4.000 F d'action Airbus, investis par un ex salariés, ont perdu les trois quarts de leur valeur. Le taux du Livret A reste en dessous de l'inflation réelle. Ces exemples s'accompagnent d'autres plus familiers, les prix en hausse de la consultation médicale et de médicaments, de moins en moins remboursés, rendent la vie des malades de plus en plus difficile. Le passage à l'Euro, se veut le signal d'une dérive : « la crise a été organisée. Le renflouement immédiat des banques sans réelle contre partie en est le symbole ».

Dans ce monde de l'argent roi, des signes d'espérance apparaissent malgré le manque de perspectives politiques. Les organisations prennent consciences de plus en plus des enjeux. Les luttes des « Molex » ou des « Freescale » indiquent non seulement une capacité de résister à l'injustice mais surtout elles montrent la volonté de femmes et d'hommes, que nous n'attendions pas, à se mettre debout au nom de la dignité. La mobilisation commence aussi à payer chez France-Télécom. Le site de Cahors sera maintenu. Un maintien qui survient malheureusement à la suite d'un autre suicide. Enfin, l'idée d'organiser un partage ACO avec les « freescale » avance très sérieusement.

La folie de croire s'exprime fortement alors en terme de changement. Les phrases témoins se veulent une force de frappe : « nous espérons et souhaitons le changement devant tout ce qui nous écrase », « militer en politique c'est vouloir changer la société », «  nous ne savons s'il faut parler de construire un système socialiste, mais il est clair, pour nous en ACO, qu'il devient urgent de mettre l'Homme au centre de la société ». Derrière ces propos, se cache aussi le souci du quotidien. Il devient important de parler « de ce en quoi nous croyons ». Comment ne pas voir dans la souffrance actuelle une forme de résurrection à travers de femmes et d'hommes qui se lèvent à travers l'ensemble des pays pour dit non à l'injustice croissante ?

 

L'Eglise : les membres de ce carrefour en plus d'être fortement engagés (PCF, PS, CFTC, CFDT, CGT, Secours Catholique) assument souvent une présence active dans leur paroisse respective.

Là aussi, il a été question de souffrance vis à vis de l'institution Eglise avec une polarisation pour quelques personnes sur le remplaçant actuel de St Pierre. Les dérapages pontificaux font mal mais paradoxalement ils aident aussi à revenir, au sein de l'entourage professionnel ou familial, sur l'essentiel de l'enseignement du Christ.« On s'éloigne de Vatican II » affirme Pierre pour rappeler : « l'origine du mot ministre vient de serviteur. ».

Servir semble s'opposer au « droit canon » dans certaines paroisses. Cette contradiction se traduit par une difficulté présente ou passée à faire avancer certaines idées. « Heureusement, que avons l'ACO pour partager et nous y retrouver ».

Autre type de souffrance avec la difficulté d'aller à la rencontre, comme chrétien, des salariés de Freescale.

Ces constats douloureux n'empêchent nullement la présence de signes d'espérance bien concrets. Dans le Gers, l'Evêque a mis en place une permanence pour suivre et développer l'Action Catholique. Premier résultats : trois équipes ACO et deux équipes ACE sur le terrain. « C'est peu et beaucoup à la fois ».

En Haute Garonne, l'Archevêque, malgré son dérapage remarqué sur la nomination d'un curé Opus Dei, semble à l'écoute du monde populaire. Il a appuyé le Père Bachet à Villemur dans son soutien aux Molex. « L'Eglise ne peut se résumer à des porteurs de Crosse » râle un militant. Cette idée reste d'autant plus vraie que c'est sous l'impulsion de chrétiens certes marqués à gauche que s'est créé, à Villemur, un comité de soutien aux « molex ».

Précédemment, c'est la communauté chrétienne dans son ensemble qui a osé porter son soutien à ces travailleurs à la veille de Noël 2008 suivi en février par un partage avec l'ACO. « L'apport des chrétiens auprès des salariés a permis de donner une autre image de l'Eglise. Celle porteuse de fraternité et d'émancipation des opprimés. » témoigne un villemurien. Ailleurs, une équipe d'ACO a fait largement connaître la position du mouvement contre le travail du dimanche et reçu plutôt un accueil favorable.

Quant à la folie de croire, elle se voulait bien présente dans les esprits et dans l'action. « Cette folie, ce sont mes engagements dans mon quartier populaire en ACO, à la JOC, dans ma paroisse ou bien dans mon syndicat » explique Anne-Marie. De son côté, souligne Maïté « dans ma ville, à l'initiative de CCFD, nous avons mis en place une AMAP. Cette démarche simple aide les citoyens (nes) à consommer autrement tout en gagnant un regard ouvert sur le monde et l'environnement». Une foi critique et chevillée au corps.

 

Un premier regard transversal

 

La mise en commun d'une synthèse des propos tenus dans chaque commission a permis de souligner quelques aspects de la personnalité collective de chaque carrefour et peut être, par extension, des traits transversaux du collectif ACO lui-même (au travers de l'ensemble d'individualités militantes bien structurées). Ainsi, il devient intéressant de constater la quasi absence du terme capitalisme durant les échanges au profit plus générique de celui de Crise. D'ailleurs, une crise, sous entendu économique, vue à partir de...

Ce positionnement pose question. En effet, peut-on parler de crise économique sans approfondir les autres crises (politiques, institutionnelles, des identités familiales, etc .) ?

Poursuivons, la crise économique est-elle l'unique facteur des autres crises ou est-elle la conséquence de ces autres crises -notamment morale- ?

Il nous revient, aussi à nous chrétiens, de pousser la réflexion – une forme d'action- afin de conduire des « agir » justes.

 

Aux côtés de ces questionnements, l'utilisation des mots et leur association renvoie à une perception spécifique des vécues. Ainsi, les associations, qui suivent, expriment des positionnements qui méritent un temps de réflexion plus approfondi que celui d'un premier regard fut-il transversal.

 

Crise et souffrance

Cette association revient à toucher du doigt l'amalgame vécu entre crise et souffrance. La crise exprimée par les militants (es) revient à de la souffrance personnelle et / ou collective. Cela est tellement inscrit dans la chair et dans l'esprit que les chrétiens des carrefours « travail » se sont complètement décentrés en citant l'expérience de copains mais pas la leur. Le même phénomène s'est produit, et pour cause, au sein du « carrefour famille ».

Il est peu apparu le concept de crise comme un élément positif source d'émergences d'initiatives innovantes et de nouveaux militants.

Le manque de perspective politique revient dans les propos et la perspective d'un changement de société, si elle est présente dans les cœurs, ne s'exprime qu'une seule fois au travers du mot socialisme.

Capitalisme et / ou socialisme se sont retrouvés quasiment aux abonnés absents, déshabillant ainsi LA CRISE de tout ancrage idéologique et philosophique ( y compris théologique).

 

Croire et Foi

A la question comment vivons nous cette folie de croire ? Nombre de carrefours ont transposé leur positionnement de Croire en Foi.

La démarche se veut symptomatique. Dans la pensée des militants il existe sûrement une différence entre ces deux mots. Foi semble plus fort et correspondre à un état d'esprit. D'ailleurs l'étymologie le confirme. Foi provient du latin « fides venant de fidere » autrement dit « se fier ». Dans le vieux français foi est à la racine du mot confiance. Le mot donnerait une dynamique à l'opposé de « croire » qui serait plus passif puisqu'il revient à admettre quelques chose pour vrai, une fois pour toute.

 

Foi et action.

L'idée de dynamique derrière le terme de Foi se confirme au regard des propos tenus par les uns (es) et les autres. Non seulement cette folie de croire se transforme en folie de la FOI mais elle même est associée à des démarches d'action. La Foi renvoie à l'Action et à l'Action à la Foi. Elle se définirait plutôt comme un concept spirituel en perpétuelle construction en lien avec le vécu « opposé », si nécessaire, à une démarche plus figée du « croire ».

 

Le conflit.

Le mot paraît faire peur, y compris dans les rapports au sein de l'Eglise. A l'instar de la crise, il renvoie d'instinct au mot souffrance. Pour autant, le conflit s'il se situe dans le respect des individus peut devenir un source de réflexions et d'actions dynamiques antagonistes mais aussi complémentaires.

De l'approche positive de la Crise associée à celle de Conflit, il pourrait sortir des ressorts inimaginables en termes de perspectives et de changements de société, de rapport à l'autre, de construction de démocratie sociale etc.

 

Compte rendu et regard transversal

Jean Philippe Tizon, militant ACO,

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<br /> merci pour cette article<br /> bonne continuation et<br /> a bientot<br /> <br /> <br />
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